Bastien Confais, autiste Asperger, témoigne sur l'autisme en entreprise.

Bastien Confais, autiste Asperger, témoigne sur l'autisme en entreprise.

Avril - Mois de l'Autisme

Favoriser l'emploi comme facteur d'insertion est une priorité, afin de rompre l'isolement et le sentiment d'exclusion des personnes qui sont concernées par l'autisme. Bastien Confais, chercheur en informatique, a été diagnostiqué autiste Asperger à l'âge de 8 ans. C’est aujourd'hui un jeune adulte particulièrement engagé sur la sensibilisation du plus grand nombre à l'autisme et au bien vivre ensemble. Après un parcours universitaire brillant, il témoigne sur ses attentes vis à vis des entreprises qui souhaitent encourager l'inclusion des personnes sur le spectre autistique.

Comprendre les personnes autistes, c'est déjà favoriser leur inclusion

"Les personnes autistes perçoivent le monde différemment, pensent et communiquent, différemment des autres personnes.

Les personnes autistes ont des centres d’intérêt particuliers sur lesquels elles peuvent se concentrer pendant de longs moments, cherchent à tout connaître avec une grande faculté d'apprentissage. Au travers de cela, elles peuvent développer des compétences très recherchées par les entreprises. Leur façon de penser leur permet également de trouver des solutions originales dans le monde de l’entreprise. À l’heure où tout le monde parle d’innovation, de se démarquer dans son secteur d’activité, employer des personnes autistes est quelque chose qui peut faire la différence.

Pourtant, beaucoup de personnes autistes ont du mal à supporter l’environnement sensoriel : Les bruits, les odeurs, le toucher peuvent être perçus de manière amplifiée. Au contraire, certaines personnes ont besoin de plus de stimuli. Il est également important pour les personnes autistes de savoir ce qui va se passer et comment les événements vont se dérouler. L’inconnu génère beaucoup de stress et d’anxiété.

Au niveau de la communication, certaines personnes sont "non verbales" ce qui ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas communiquer. Elles communiquent par exemple, par l’écrit. D’autres personnes arrivent à s’exprimer verbalement mais peuvent avoir du mal à formuler leurs idées.

Il faut également bien comprendre la communication non verbale qui peut être plus difficile dans les interactions au quotidien : les non-dits, ou encore regarder son interlocuteur dans les yeux sont des choses sur lesquelles les personnes autistes ont énormément de difficultés".

À partir de ces éléments, vous pouvez percevoir les difficultés auxquelles les personnes autistes font face dans le monde du travail. Ces difficultés ne viennent pas de l’autisme : ne pas avoir d’emploi n’est pas une caractéristique de l’autisme mais elles viennent de la façon dont le monde du travail fonctionne.

Des processus de recrutement qui peuvent s'avérer inadaptés

"Pour décrocher un emploi, il faut imaginer à quel point les processus de recrutements peuvent être le pire scénario possible pour les personnes autistes.

Cela commence avec la lecture des offres d’emploi. Dans de nombreuses offres, les entreprises recherchent des personnes « flexibles », « polyvalentes », même si ces compétences ne sont pas réellement essentielles pour le poste. Bien souvent, les personnes autistes n’envoient pas leur candidature lorsqu’elles pensent qu’il leur manque une seule des compétences demandées, même si celle-ci est mineure par rapport au travail proposé. Il est donc important que les offres d’emploi soient rédigées dans un langage clair, se concentrent sur l’essentiel et ne listent que les compétences réellement nécessaires pour le poste.

La seconde barrière pour obtenir un emploi est de réussir l’entretien d’embauche. C’est ce qu’il y a de pire pour les personnes autistes qui ne sont alors pas évaluées sur leurs compétences mais exactement sur les points sur lesquelles elles ont des difficultés.

Il faut imaginer le stress de devoir vous rendre pour la première fois dans des locaux que vous ne connaissez pas, rencontrer quelqu’un que vous n’avez jamais vu, qui va vous évaluer sur votre façon de vous comporter…

Il est important que les employeurs aident les personnes autistes à préparer l’entretien d’embauche, en organisant une visite du lieu ou en envoyant des photos du lieu et des personnes que le jeune autiste rencontrera le jour de l’entretien, en expliquant à l’avance comment les choses vont se passer et au moment de l’entretien, en évitant de se focaliser sur le comportement de la personne, la façon dont elle dit les choses plutôt que sur le contenu de ce qu’elle raconte.

Pour ma part, pendant mes études d’ingénieur, j’ai eu la chance que mes enseignants se soient occupés de démarcher les entreprises dans lesquelles j’ai effectué mes stages. Je n’ai pas eu à répondre à des offres d’emploi ou à passer d’entretien d’embauche formel. À la place, j’ai eu l’opportunité de visiter les locaux des entreprises ce qui me permettait de découvrir l’environnement de travail. Au cours de la visite, les recruteurs me présentaient ce qu’ils attendaient de moi afin que je puisse m’imaginer si le poste proposé pouvait me convenir".

Autisme : le défi de se maintenir dans l'emploi

"Il ne faut pas oublier que trouver un travail n’est que la première étape. Être capable de garder son emploi est bien plus difficile encore. Par exemple, beaucoup de personnes autistes n’arrivent pas à travailler en openspace pendant de longues périodes.

Pour prendre un exemple plus personnel, pendant mes stages, je ne savais pas à quel moment prendre des pauses. À l’université les pauses sont clairement indiquées dans l’emploi du temps mais en entreprise, ce n’est pas cas. Je pouvais par conséquent passer des journées à travailler sans m’arrêter, ce qui a été réellement épuisant et j’ai plusieurs fois voulu tout arrêter.

Pour les entreprises, il est important de comprendre que l’inclusion n’est pas une liste de case à cocher sur une feuille, mais un réel processus.

Trop souvent, les aménagements ne sont discutés qu’au moment de la prise de poste. Or les besoins évoluent dans le temps. Par exemple, dans mes derniers emplois, j’ai pu faire du télétravail à certains moments, mais pendant les périodes qui étaient les plus chargées, il était important que les aménagements soient revus. Je pouvais alors travailler plus souvent à la maison ou bénéficier de congés supplémentaires aussitôt la charge de travail revenue à la normale.

Autiste en entreprise : valoriser l'employé.e avant le handicap

Pour terminer, il est important que le recrutement des personnes autistes soit une opportunité pour qu’elles se sentent valorisées et reconnues pour leurs compétences. J’ai plusieurs fois été contacté par des entreprises qui ne focalisaient que sur le handicap, qui au lieu de me présenter en quoi consiste le travail, me parlaient uniquement d’aménagements.

Enfin, lors de mon dernier emploi, plusieurs personnes n’osaient pas me dire les choses directement car elles craignaient que je réagisse mal. Elles avaient besoin d’être constamment rassurés par des gens qui avaient déjà travaillé avec moi et avaient peur de faire des maladresses au niveau de leur comportement.

Il est certain qu’en accueillant une personne autiste dans votre entreprise, cela vous demandera plus d’attention et que vous ferez probablement des erreurs, mais cela ne doit pas être un frein à l’inclusion".

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